PEDRA FOGUERA (PIERRE À FEU)

N’ignore pas qu’un coeur / est un roc à l’envers (*). / Plusieurs l’ont oublié qui veulent entrer dans la danse / en s’attendant à un coussin / et qui se cassent tous les os, / et qui, tout en croyant délier les amarres, s’enchaînent au bourreau. / Je sais des coeurs en marbre, des mausolées des sentiments, / qui te laissent sans dents si tu veux y mordre. / Et je connais des coeurs en rubis / qui imitent les bûchers / avec les flammes menteuses / d’une toile de Dalí. / Le coeur de mon coeur, si tu ne l’avais jamais vu, / c’est sûr qu’il peut te sembler gris à première vue, / mais il est d’excellente qualité / (on n’en fabrique plus des comme ça), / fait en pierre à feu: / il est âpre au toucher / mais je le frotte avec le mien / et saute une étincelle / qui change un taudis / en un domaine des dieux. / Je sais des coeurs d’anthracite qui t’entourent de noirceur / et qui te font à tout jamais perdre le nord. / J’ai connu un coeur en quartz, / un machin très sympa / qui sonnait l’heure exacte / des adieux tous les 45 minutes. / Je sais des coeurs en béryl où les sens se noient. / Il y a même des coeurs en argile qui se défont quand tu presses les doigts, / sans parler des coeurs en saphir / qui brillent comme la porcelaine / et te font manquer le tir / quand tu les prends comme cible. / Le coeur de mon coeur… / N’oublions pas les coeurs en jade, aussi exotiques qu’étincelants, / champions du snobisme. Non plus ceux en diamant / qui coupent les miroirs / du désir. Ni ceux en galène / qui ne sont qu’une antenne / qui emprisonne le chant des coqs. / S’il le fallait, je pourrais vider jusqu’au fond / le tiroir où sont mélangés les coeurs et le règne minéral. / Mais là où je vois de l’or et du platine / tu y verras une améthyste. / Suis, donc, ta propre piste / et laisse-moi dire encore / que le coeur de mon coeur…  (*) En catalan: Roc / Cor (coeur)

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