Texte et Musique : Miquel Pujadó
Marcher en évitant les flaques
alors que s’embrassent dans les portails
des corps qu’on aperçoit diffusément,
quand le sang de l’automne
tombe des platanes, avec un bruit
de murmures amortis.
S’asseoir sur n’importe quel banc
pour regarder un pot de formol
avec des cadavres de souvenirs,
tout en ignorant les yeux distants
de quelques passants anonymes
aux doigts blêmes ets aux lèvres mortes
Et siffler une chanson triste,
de Gainsbourg ou va savoir de qui,
qui fasse fermenter avec l’adresse d’un artiste
la nostalgie comme un bon vin.
Une bonne chanson triste
comme musique de fond
de l’histoire expressioniste
que tu te projectes par les coins.
Quand bâillent les moineaux,
voir s’allumer les réverbères
et te rendre compte soudain
que les pieds t’ont emmené très loin,
trop loin, et gronder
si le vent commence à se lever.
Prendre un café tout en écoutant, s’il le faut,
les clients d’un bar banal
d'une rue sans importance.
Si quelqu’un te parle, répondre avec des
monosyllabes, sans envie
de conversations en papier.
Et siffler une chanson triste
qu’on ne trouve pas à Internet
tandis que tu laisses une piste
de verres vides, de tabac froid.
Une bonne chanson triste…
Si tu as fui quelqu’un, penser
que tu as fait ça afin de disposer
d’une absence dans les tripes,
pour pouvoir te sentir vivant
en te laissant emporter par cette rivière
où les bateaux ramollissent
Tout en te roulant dans le noir,
trouver du miel dans l’amertume
et du plaisir dans la solitude,
et finir par revendiquer la défaite,
et par aimer, seulement quand il est déjà trop tard,
ce que tu as perdu.
Et siffler une chanson triste…