La solitude qui s’ancre dans la foule.
Le vieillard enfermé chez lui cinq ans durant.
La main dont on a besoin et que l’on te refuse.
Ceux qui vivent ensemble en se sentant étrangers.
L’enfant qui tète du grand mamelon en verre.
L’adulte qui lèche un sexe virtuel.
Le monstre dans le miroir, et la tête de l’hydre
qui pousse du 26 décembre jusqu’à Noël.
Et blottie dans son coin,
malgré tout, la vie.
Le cancer du poumon de l’Amazonie.
Le noir vomissement du pétrolier pourri.
Le fremissement fragile d’un vol de papillons
survolant un monde dont la poitrine est fêlée.
Les guerres déguisées en croisades.
L’orgueil suicidaire du pouvoir.
Les cerveaux sous contrôle et programmés.
La drogue dure qu’on appelle la Foi.
Et abattuee dans son coin,
malgré tout, la vie.
La chasse à l’homme par l’homme dans une jungle
civilisée. Les hurlements du prisonnier
lorsque un flic efficace lui arrache un ongle.
La très universelle raison du plus fort.
La conviction de ne pas savoir ce qui se passe,
d’être un pantin que les fils de la peur font danser.
Le pain et le cirque, et le rire gras
de l’agneau abrutti s’acheminant vers l’abattoir.
Et dans son coin, blessée,
malgré tout, la vie.
L’ivoire des dents qui fait ses adieux,
les rides qui s’installent et les cheveux
qui blanchissent ou qui se barrent. La silencieuse
progression de la mousse et de la rouille.
La faux dans la main d’une vieille amie
qui attend patiemment son heure.
Et la croissante amertume, et la fatige
de faire face au vent en vain.
Et dans son coin, endormie,
malgré tout, la vie.