Texte et Musique: Miquel Pujadó
Si je dois vous croire, en chantant / je ne gagnerai jamais ma vie, / et je commence à avoir un certain âge, / et j’en fais un peu trop, / et je devrais mûrir, / penser au jour de demain / et ne laisser plus partir tous les trains… / Merci, je note. / Si je dois vous croire, il est absurde / de gaspiller une vie féconde / en tentant de faire des trucs / avec une langue qui agonise. / Il me vaudrait mieux ne faire plus le con, / capituler devant l’espagnol / et reconnaître ma défaite. / Merci, je note. / Je note et je fais des confettis / avec les notes que je prends. / Pourvu qu’il me reste un brin de souffle, / je continuerai, contre vents et marées, / à marcher au bord du gouffre. / Si je dois vous croire, rêver / n’est qu’un embarras. / Il est plus pratique compter, / et faire la pose plutôt que d’être. / Défendre la liberté, / mais seulement celle du Marché, / à Bruxelles et au Dakota… / Merci, je note. / Si je dois vous croire, aimer / n’est rien qu’une faiblesse, quand il est si facile d’acheter / en gros du plaisir et de la beauté, / et une famille légale / qui te donne l’air comme il faut / pourvu que tu paies le tarif. / Merci, je note. / Je note… / Si je dois vous croire, le passé / peut être puant quand on le remue. / Il vaut mieux le laisser enterré, / parce qu’il serait dommage / de décovrir que l’important Monsieur X / est un criminel, / et que nous avons un loup comme mascotte. / Merci, je note. / Si je dois vous croire, les fascistes / se sont déjà recyclés, / ils vont la fleur à la main / et blâment les terroristes. / Ainsi donc, il faut taire / que la Bête peut revenir / et ne faire plus les gaffeurs. / Merci, je note. / Je note… / Si je dois vous croire, voter / est un droit autant qu’un devoir / (mème si je ne pige pas tout à fait / qu’un droit puisse être obligatoire). / Il vaut mieux que je m’acquitte / et que, si je sens une odeur de pourri, / je dissimule ma grimace. / Merci, je note. / Si je dois vous croire, il n’est pas bon / de mettre en question la monarchie, / ni l’armée ni la flicaille / (je voulais dire: la police). / Ça ne fait pas moderne du tout: / les tortures, c’est comme l’enfer: / de l’Histoire ancienne. / Merci, je note. / Je note… / Si je dois vous croire, être / toujours à côté ne m’aide guère. / Je me margine en vouloir prolonger / une guerre déjà perdue. / Vous me conseillez le foot: / Ça relaxe de crier “Goal”, / avec toutes ses connotations. / Merci, je note. / Si je dois vous croire, le meilleur / c’est de bien mâcher la paille / que la télé crache / aussitôt que j’allume l’écran, / vivre en me croyant informé, / protégé, pasteurisé / et endormi comme la marmotte. / Merci, je note. / Je note…