DINS EL VENTRE DELS ESTATS (DANS LE VENTRE DES ÉTATS)

Texte et Musique: Miquel Pujadó

“Mère, on me dit dans la rue (1) / que je suis un mauvais valencien, / que parler avec Carles, / qui est un garçon de Premià (2), / sans changer de langue, / ça ne se fait pas. / Que lui et moi, nous ne devons pas nous entendre, / que catalan et valencien / se ressemblent aussi peu / qu’un pou et une morue. / Que si la realité nie / ce qui affirment ceux d’en haut, / le devoir d’un patriote / serait de nier la realité. / Mère, on me dit dans la rue / que je suis un mauvais valencien, / et ceux qui me le disent, / le font toujours en espagnol. / Mère, ils n’ont pas de vergogne, / qu’ils aillent se faire enculer!” /  Je me méfie des drapeaux, / je suis allérgique aux frontières, / et je ne chante pas d’hymnes, / mais j’aime la parole, / la seule patrie, le maillon / qui m’unit à un temps et à un espace. / Avec une langue déchirée, / subalterne et humiliée, / nous deviendrons des spectres glacés… / Ils nous faut plâtrer la crevasse / ou nous deviendrons de la merde / dans le ventre des États. / “Mère, le patron affirme / que le catalan que nous parlons / n’est pas utile pour le tourisme, / pas autant que l’espagnol, / et qu’il vaut encore mieux / de commencer à apprendre l’allemand / parce que le futur de Majorque / est dicté par les lois du Marché. / Parler la langue des mâitres / montre que tu es un bon chien, / et alors tu auras les rogatons / quand ils se seront empiffrés. / Mère, nous nous vendons les Îles, / les mots et la dignité, / et nous perdons la mémoire / de qui nous sommes, de qui nous avons été. / Pourvu qu’ils se fourrent bien les poches, / quelques-uns s’en foutent pas mal, / mais nous sommes plus qu’ils ne croient pas, / ceux qui ne voulons pas faiblir.” / Je me méfie… / “Mère, à l’école on m’apprend / que ce n’est qu’un patois, / la langue que je parle. / Et ceux qui me disent ça, c’est drôle, / sont fiers d’appartenir / au berceau des Droits de l’Homme. / Ça me ferait bien rire / si ça ne faisait pas pleurer. / Mère, qui souffle sur les braises / peut attiser le feu, / mais ça fait des siècles qu’au Roussillon / nous gardons  le souffle dans un tiroir / Nous prenons la République / pour Dieu et pour le Saint-Esprit, / le français pour la culture / et l’opression pour l’égalité. / Quelle liberté défend, / et quelle fraternité, / celui qui assassine les mots / de son propre souverain? / Je me méfie…


(1)
Chacun des couplets de cette chanson est écrit dans une variante de la langue catalane: valencien (le 1er), baléarique (le 2ème) et roussillonais (le 3ème), le refrain étant écrit en catalan standard. (2) Ville catalane.

 

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